Olivier Mercier
Olivier Mercier est candidat à la maîtrise avec mémoire en études internationales, option relations internationales à l’Institut québécois des Hautes études internationales (HEI). Il complète simultanément un diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en droit international et transnational à l’Université Laval et est détenteur d’un baccalauréat intégré en Affaires publiques et relations internationales avec profil international à l’Institut d’études politiques de Strasbourg. Il s’intéresse particulièrement aux aspects sécuritaires et juridiques touchant les relations internationales et les conflits armés et est membre-étudiant du Centre sur la sécurité internationale (CSI). En plus d’avoir collaboré à la Clinique de droit international et humanitaire (CDIPH) en 2015, Olivier a également été auxiliaire de recherche au département de science politique de l’Université Laval et y occupe actuellement le poste d’auxiliaire d’enseignement (automne 2015).
Rarement n’avait-on autant entendu parler du Zimbabwe dans les médias occidentaux que dans les dernières semaines. En l’espace de quelques jours, le plus vieux chef d’État au monde, le président zimbabwéen Robert Mugabe, a complètement perdu son influence politique et le contrôle qu’il exerçait d’une main de fer sur son pays depuis 37 ans[1]. Poussé vers la sortie par les forces armées et son propre parti, qui vont le remplacer en moins de 72 heures, l’avenir du « camarade » Robert Gabriel Mugabe et de ses proches demeure, au moment d’écrire ce billet de blogue, relativement incertain. Dictateur autoritaire pour les uns et libérateur anti-impérialiste pour les autres, Robert Mugabe laisse néanmoins derrière lui un pays fragilisé par des décennies d’abus et de violence à grande échelle très bien documentées[2]. Certains médias et certaines organisations de défense des droits humains ont profité de l’attention médiatique provoquée par le départ précipité de Mugabe pour tenter d’attirer l’attention sur l’État précaire des droits humains au Zimbabwe. Plus particulièrement, certains ont rappelé que sous Mugabe, une culture de l’impunité quant aux violations des droits humains s’est développée et a été érigée en système. À ce jour, les victimes n’ont jamais obtenu justice pour les violations de leurs droits. Alors que le pouvoir change de main pour la première fois dans cette jeune république d’Afrique australe, ce billet de blogue propose, sans prétendre à l’exhaustivité, de revenir « à chaud » sur les évènements des dernières semaines et de réfléchir par la suite à la question de l’impunité au Zimbabwe en ce début de l’ère « post Mugabe ».
La chute de Mugabe
Le mardi 14 novembre 2017, les forces de défense du Zimbabwe (ZDF) ont pris le contrôle de la capitale, Harare, en se positionnant aux endroits stratégiques comme le Parlement. Commandés par le Général Constantine Chiwenga, chef d’État-major, ils ont placé le président, Robert Mugabe, et sa famille en « résidence surveillée » avant de faire une déclaration à la télé d’État afin d’assurer à la population que ladite opération ne consistait pas en un coup d’État, mais en une mesure exceptionnelle visant à traduire en justice des « éléments criminels » dans l’entourage du président. Le coup de force des militaires intervient quelques heures à peine après que le Général Chiwenga ait effectué une sortie inhabituelle, fustigeant la décision du président de limoger le vice-président Emmerson Mnangagwa. Chiwenga avait qualifié cette action de « purge » au sein de la Zimbabwe African National Union – Patriotic Front (ZANU-PF), le parti au pouvoir depuis l’indépendance du Zimbabwe en 1980, qui mettait en péril les « idéaux de la révolution » que l’armée se devait de protéger, quitte à intervenir.
Les évènements se sont ensuite bousculés à un rythme fou. Le vieux président Mugabe, 93 ans, au pouvoir depuis presque 40 ans et héros de la libération, perd très rapidement ses soutiens et se fait éjecter par son propre parti le 19 novembre, qui menace en plus de le destituer s’il ne démissionne pas, en vertu de l’article 97 de la Constitution zimbabwéenne. Mugabe avait pourtant été désigné candidat aux élections de 2018 par ce même parti il y a moins d’un an. Alors qu’ils furent historiquement très proches de Mugabe et de la Zanu-PF – au point d’être soupçonnés d’avoir orchestré des atrocités de masse pour le maintenir au pouvoir, notamment en 2008 – les militaires ont encouragé la population à descendre dans la rue le samedi 18 novembre afin de réclamer la démission du nonagénaire. Des milliers de personnes de tous les horizons ont répondu à l’appel et ont marché dans les rues d’Harare et de Bulawayo pour exiger le départ de Mugabe et de son épouse Grace, ce qui aurait été inconcevable à peine quelques jours plus tôt dans un État autoritaire comme le Zimbabwe de Robert Mugabe.
Le vieux président n’avait toutefois pas l’intention de quitter aussi facilement le pouvoir. Dans un discours à la nation en direct le 19 novembre, tout juste après avoir été rejeté par son propre parti, il reconnaît que les préoccupations des militaires et de la population sont « légitimes », mais refuse de démissionner. Lorsque le Parlement se réunit le mardi suivant 21 novembre, les élus se réunissent afin de préparer le processus de destitution. Ils n’auront toutefois même pas le temps d’entamer la procédure : dans une lettre au président de l’Assemblée Nationale, que ce dernier lit aux députés, Robert Mugabe annonce finalement sa démission, après 37 ans. Les médias du monde entier ont alors diffusé les images de foules en liesse célébrant dans les rues d’Harare la chute du seul chef d’État que leur pays ait connu. Plusieurs brandissent d’ailleurs des photos de leurs « héros » − le Général Chiwenga et le vice-président déchu Emmerson Mnangagwa – et se débarrassent des nombreux portraits de Mugabe qui, selon la loi, devaient être affichés un peu partout.
Proche des militaires, Emmerson Mnangagwa est rapidement désigné chef du parti par la Zanu-PF et, en fonction des règles de succession prévues par la Constitution, devient président-désigné du Zimbabwe. En exil depuis son congédiement par Mugabe, il rentre à Harare le jeudi suivant, puis est assermenté président le lendemain, 24 novembre. Si l’avenir de Robert Mugabe et de son épouse Grace est imprécis, il semble toutefois, au moment d’écrire ces lignes, qu’il ait accepté de quitter ses fonctions moyennant des garanties telles que l’immunité contre d’éventuelles poursuites, le loisir de pouvoir rester au Zimbabwe ainsi que l’accès à ses propriétés privées. De plus, les médias rapportaient les 26 et 27 novembre que Robert Mugabe devrait empocher environ 10 millions de dollars en « prime de départ » combinant le maintien de son salaire et de sa pension de retraite.
Robert Mugabe pourrait-il être jugé ?
Les immunités contre d’éventuelles poursuites au Zimbabwe n’ont pas vraiment, au moment d’écrire ces lignes, fait l’objet de précisions quant à leur contenu. Néanmoins, le fait que le départ du pouvoir de Mugabe soit accompagné de telles garanties était tout à fait prévisible. Depuis plusieurs années, des organisations, des États et même des personnes privées défendent l’idée de juger le vieux président pour crimes contre l’humanité. De 1982 à 1987 et dans les années 2000, le Zimbabwe a été le théâtre de violations très graves des droits humains dirigées contre l’opposition au régime et la société civile, et ce, dans l’impunité la plus complète. Human Rights Watch, par exemple, recense plus de 5000 cas de torture seulement en 2008. Cette année-là, l’archevêque et prix Nobel de la paix sud-africain Desmond Tutu avait même, lors d’un entretien télévisé, appelé la communauté internationale à traduire Mugabe devant la Cour pénale internationale (CPI). Que ce soit pour les « massacres du Matabeleland » (surnommés Gukurahundi au Zimbabwe) des années 1980, ou encore pour les violences électorales de 2008, l’État zimbabwéen a joué un rôle déterminant dans les violations massives des droits humains alors que Robert Mugabe était au pouvoir.
Juger Robert Mugabe devant la CPI présente toutefois des obstacles politiques et juridiques plutôt insurmontables. De plus, une éventuelle mise en accusation du nonagénaire zimbabwéen pourrait être contre-productif par rapport aux objectifs de la justice internationale, considérant à la fois la légitimité affaiblie de la CPI en Afrique, où plusieurs États y sont hostiles et « l’aura nationaliste » dont bénéficie toujours l’ex-président zimbabwéen sur le continent[3]. D’abord, le Zimbabwe n’a pas ratifié le Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Par conséquent, conformément à l’article 12(2) a) - b), la CPI ne peut exercer sa compétence pour des crimes commis au Zimbabwe par des Zimbabwéens ce qui exclut donc les crimes qui seraient imputés au régime Mugabe. Cela ne permet par ailleurs pas non plus à un État partie au Statut de Rome de déférer la situation du Zimbabwe au Bureau du Procureur de la CPI en vertu de l’article 14, ni au Procureur d’agir proprio motu et d’ouvrir une enquête de sa propre initiative en vertu de l’article 15.
Théoriquement, la situation au Zimbabwe pourrait être déférée à la Procureure de la Cour pénale internationale par le Conseil de sécurité de l’ONU (CSNU) en vertu d’une résolution au nom du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies visant à rétablir la paix et la sécurité internationales conformément à l’article 13 b) du Statut de Rome[4]. Dans les circonstances actuelles toutefois, la situation au Zimbabwe ne menace pas la paix et la sécurité internationales. Même en 2008, alors que le pays était en proie à une flambée de violences très graves au potentiel déstabilisateur pour la région, la volonté politique des grandes puissances n’était pas au rendez-vous : le CSNU n’a pu trouver de consensus pour quelconque action concertée, face aux vetos de la Russie et de la Chine.
Enfin, le Zimbabwe pourrait toujours accepter de façon ad hoc la compétence de la CPI à l’égard de crimes commis sur son territoire ou par ses ressortissants en vertu de l’article 12(3) du Statut de Rome. Toutefois, comme Mugabe qui a fustigé pendant des années la CPI, il serait très étonnant que le nouveau président Emmerson Mnangagwa − ancien bras droit de Mugabe − ait une opinion différente de son prédécesseur et ancien patron à propos de la Cour. De plus, l’idée qu’Emmerson Mnangagwa demande à la CPI d’enquêter sur des crimes que le gouvernement de son prédécesseur est soupçonné d’avoir orchestrés est assez irréaliste.
Effectivement – et il faut le rappeler − Mnangagwa était jusqu’au 6 novembre 2017 le numéro deux du régime Mugabe, alors qu’il occupait le poste de vice-président depuis 2014. Compagnon d’armes de Robert Mugabe pendant la lutte pour la libération du Zimbabwe, il a occupé plusieurs postes-clés au fil des ans, où il a tissé des liens étroits avec les institutions sécuritaires, dont l’armée. Depuis son entrée en fonction, plusieurs médias ont souligné son rôle dans la planification et l’exécution des campagnes de violences politiques du régime Mugabe. En particulier, les allégations concernant son rôle présumé dans les « massacres du Matabeleland » des années 1980 – qui ont fait environ 20 000 morts – ont progressivement refait surface depuis le 24 novembre. C’est également Emmerson Mnangagwa qui était à la tête du Joint Operations Command[5], une sorte de comité de coordination des institutions sécuritaires de l’État lors des violences électorales de 2008 au Zimbabwe. Or, ces institutions ont été directement pointées du doigt pour avoir été derrière les violations massives des droits humains à grande échelle en 2008, et ce, dans l’impunité la plus complète. D’ailleurs, tant au moment des violences du Matabeland que lors des violences de 2008, le Général Chiwenga – à la tête des militaires ayant poussé Robert Mugabe vers la sortie au profit de Mnangagwa – siégeait au Joint Operations Command. Ainsi, les chances que le nouveau président zimbabwéen donne son feu vert à l’ouverture de procédures contre Robert Mugabe pour des violations des droits humains − pouvant éventuellement l’impliquer ou l’éclabousser – sont à l’heure actuelle assez minces, que ce soit sur le plan interne ou à la CPI.
Lutte contre l’impunité : quelles options ?
Au-delà des Chefs d’État et des hauts-gradés, néanmoins, ce sont plusieurs centaines (voire plusieurs milliers) de personnes qui ont commis des violations graves des droits humains « sur le terrain » au Zimbabwe depuis 1980, que ce soit des assassinats politiquement motivés, des actes de torture, des persécutions ou encore des violences sexuelles. En 2008, d’ailleurs, Human Rights Watch s’inquiétait de l’impunité systématique qui prévalait dans le pays pour les auteurs directs de crimes internationaux. Tel que mentionné plus haut, un certain nombre d’observateurs et d’organisations de défense des droits humains, dont l’International Bar Association, ont appelé à ce que Robert Mugabe soit jugé à La Haye pour crimes contre l’humanité, en raison de la nature des violations commises au Zimbabwe pendant son règne.
Malgré le coup de force du 15 novembre des militaires éjectant du pouvoir le vieux président pour le remplacer par un autre – qu’un tribunal d’Harare a d’ailleurs jugé « légal et constitutionnel » − il semble encore une fois peu probable que l’ancien président Mugabe soit jugé au plan interne. Au moment d’écrire ces lignes, la manœuvre des militaires semble relever davantage de la continuité que de la rupture avec l’ère Mugabe, tel qu’en témoigne la composition du cabinet d’Emmerson Mnangagwa, dévoilé le 30 novembre. En raison de cette réalité, surtout, il semble assez peu probable pour l’heure que quiconque – peu importe le niveau hiérarchique − soit jugé pour des crimes contre l’humanité qui auraient été commis au Zimbabwe (tant à la CPI qu’au sein des tribunaux nationaux).
Tel qu’il est défini à l’article 7 du Statut de Rome, le crime contre l’humanité est un des actes incriminés « […] lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque ». Les alinéas a) à k) du paragraphe 1 de l’article 7 énumèrent ces actes constitutifs du crime contre l’humanité, dont le meurtre (7(1)a)), la torture (7(1)f)), les violences sexuelles (7(1)g)) et les persécutions (7(1)h)); des atteintes graves à la dignité humaine qui ont été abondamment documentées au Zimbabwe depuis 2000. Le crime contre l’humanité tel que défini au Statut de Rome ne fait pas l’objet d’un texte juridique international à part entière au même titre que le génocide ou les disparitions forcées. Néanmoins, dans le Statut de Rome, le crime de torture est constitutif du crime contre l’humanité. Bien que sa définition varie légèrement de celle du Statut de Rome, le crime de torture fait l’objet d’un texte juridique international à part entière : la Convention contre la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (Convention contre la torture) de 1984, ratifiée par 160 États.
En raison d’un manque de volonté apparent de l’État zimbabwéen de mettre fin à l’impunité, invoquer la Convention contre la torture (que le Zimbabwe n’a d’ailleurs ni signé ni ratifié non plus[6]) présente certains avantages du point de vue de la lutte contre l’impunité des auteurs présumés de crimes au Zimbabwe. En effet, l’article 7(1) de la Convention contre la torture prévoit explicitement une obligation aut dedere aut judicare, soit une obligation pour tout État partie de poursuivre ou d’extrader (vers un État tiers disposé à poursuivre) tout auteur présumé de torture se trouvant sur son territoire. Ainsi, à défaut d’être jugés par des tribunaux internationaux ou Zimbabwéens, les auteurs présumés d’actes de torture au Zimbabwe pourraient être jugés dans des pays signataires de la Convention contre la torture, dans l’éventualité bien entendu où ces derniers s’y rendaient[7]. Cette option demeure plus hypothétique et beaucoup plus restrictive, néanmoins, depuis plusieurs années un grand nombre Zimbabwéens se rendent massivement en Afrique du Sud et ailleurs − notamment pour fuir les conditions de vie. Plusieurs auteurs présumés de crimes internationaux tels que la torture pourraient avoir et être amenés à quitter le pays dans les prochains mois et les prochaines années, à moins d’un redressement soudain de l’économie du Zimbabwe. Une ouverture se présente donc aux États voisins (et du monde) afin de contribuer à fermer l’espace d’impunité pour des auteurs présumés de crimes internationaux.
Si ce recours en vertu de la Convention contre la torture semble a priori présupposer la mise de côté d’autres crimes graves répertoriés au Zimbabwe qui sont inclus dans la définition du crime contre l’humanité, la jurisprudence est éclairante en ce qui a trait aux violences sexuelles. Dans l’affaire Delalić, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a reconnu le viol comme pouvant constituer une forme de torture en s’appuyant sur le paragraphe 687 du jugement Akayesu (Tribunal pénal international pour le Rwanda - TPIR) et les travaux du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture (para 16). Ainsi, un tel recours pourrait paver la voie à des poursuites contre des auteurs présumés de violences sexuelles en tant qu’élément constitutif du crime de torture. Il est à noter également que les auteurs présumés de crimes internationaux au Zimbabwe depuis 2000 sont souvent les présumés auteurs de plusieurs types de violations (violences sexuelles, persécutions, etc.).
En 2012, la Cour internationale de Justice (CIJ) a réaffirmé, au paragraphe 95 de l’arrêt Belgique c. Sénégal, l’obligation qu’ont les États de poursuivre ou d’extrader les responsables présumés d’actes de torture se trouvant sur leur territoire en vertu de l’article 7(1) de la Convention contre la torture. De plus, les tribunaux sud-africains ont abondé dans le même sens dans une affaire impliquant l’ouverture de procédures judiciaires en Afrique du Sud contre des auteurs présumés de torture au Zimbabwe. En 2008, le Southern African Litigation Centre − derrière les démarches judiciaires contre Omar al-Bashir en Afrique du Sud en 2015 – a soumis un dossier identifiant les présumés auteurs d’actes de torture commis lors d’un rassemblement politique de l’opposition à Harare en 2007. Si les autorités compétentes ont refusé d’entamer des procédures au nom de la souveraineté du Zimbabwe voisin, les tribunaux ont statué que l’Afrique du Sud avait l’obligation d’enquêter et de poursuivre le cas échéant, ou d’extrader les présumés tortionnaires s’ils se trouvent en Afrique du Sud[8]. Après une série d’appels, la Cour constitutionnelle du pays a confirmé la décision de première instance, ordonnant d’enquêter sur les allégations concernant des ressortissants Zimbabwéens.
Enfin, la possibilité que des auteurs présumés de violations massives des droits humains au Zimbabwe puissent faire face à des poursuites dans des pays tiers pour des actes autres que ceux protégés en vertu de la Convention contre la torture ne pouvait être complètement passée sous silence. En effet, plusieurs États ont adopté des législations se dotant de la compétence universelle pour des crimes internationaux « plus larges que le crime de torture ». C’est le cas, par exemple, de la Loi sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre au Canada. Ainsi, dans le cas hypothétique où des auteurs présumés de crimes graves commis au Zimbabwe, par des Zimbabwéens et contre des Zimbabwéens se trouveraient sur le territoire d’un État tiers s’étant doté d’une telle législation, des options supplémentaires existent afin de lutter contre l’impunité qui prévaut dans le cas du Zimbabwe.
Il peut être un peu trop tôt pour tirer des conclusions quant aux choix que fera le nouveau président du Zimbabwe et son gouvernement en termes de réformes. Pour l’instant, du moins, il semble très peu probable qu’un vent de changement souffle sur le Zimbabwe pour ce qui est la question de l’impunité, pour les raisons exposées ci-haut. Ainsi, il apparaît donc que l’arrivée au pouvoir d’Emmerson Mnangagwa et le départ à la retraite forcée de Robert Mugabe après l’intervention des militaires s’avèrent être bien plus un changement de garde qu’un réel changement de régime au Zimbabwe.
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Ce billet ne lie que la ou les personne(s) l’ayant écrit. Il ne peut entraîner la responsabilité de la Clinique de droit international pénal et humanitaire, de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale e les droits fondamentaux, de la Faculté de droit, de l’Université Laval et de leur personnel respectif, ni des personnes qui l’ont révisé et édité. Il ne s’agit pas d’avis ou de conseil juridiques.
[1] Sur Robert Mugabe et ses années de pouvoir, voir notamment Martin Meredith, Mugabe : Power, Plunder and the Struggle for Zimbabwe (2007), Public Affairs, New York.
[2] Ibid.
[3] En profondeur sur cet aspect, voir Ian Phimister et Brian Raftopoulos, « Mugabe, Mbeki and the Politics of Anti-Imperialism » (2004) 31 :101, Review of African Political Economy, 385-400.
[5] Voir notamment Blessing-Miles Tendi, « Ideology, Civilian Authority and the Zimbabwean Military », Journal of Southern African Studies (2013), 39:4, 829-843.
[6] En effet, le Zimbabwe est l’un des rares États du monde à n’avoir ni signé ni ratifié la Convention contre la torture. Aux fins des arguments présentés dans les prochaines lignes, toutefois, la non-adhésion du Zimbabwe n’a aucune incidence sur l’obligation des États parties à poursuivre ou extrader les présumés auteurs de crimes de torture.
[7] Quelques nuances doivent être apportées pour certains individus disposaient d’immunités diplomatiques.
[8] Gerhard Werle et Paul Christoph Bornkamm, « Torture in Zimbabwe under scrutiny in South Africa – The judgment of the North Gauteng High Court in SALC v. National Director of Public Prosecutions» (2013) 11, Journal of International Criminal Justice, 671.