Jessy Gélinas
Jessy Gélinas est candidate à la maîtrise en droit international et transnational de l'Université Laval où elle s’est illustrée en tant que stagiaire à division de la compétence, de la complémentarité et de la coopération de la Cour pénale internationale (CPI). Elle participe aux activités de la CDIPH depuis janvier 2013. Elle a notamment travaillé au développement des Outils juridiques de la CPI et participé à la douzième session de l'Assemblée des États Parties à La Haye.
Jessy est également diplômée du baccalauréat intégré en affaires publiques et relations internationales. Dans le cadre de sa maîtrise, elle a eu la chance de participer au 13th Specialization Course in International Criminal Law, une prestigieuse formation en droit international pénal qui s’est déroulée en Italie en mai 2013. Elle s'intéresse particulièrement à la promotion et à la vulgarisation des enjeux de droit international au Québec et au Canada.
Ce texte fait suite à une précédente analyse portant sur la coopération entre les différents acteurs de la communauté internationale et la Cour pénale internationale (CPI) effectuée dans un billet publié le 20 novembre dernier. Les enjeux relatifs à la coopération ont principalement été abordés lors d’une séance plénière entièrement dédiée à la coopération. En raison de leur nature cruciale pour l’avenir de la Cour, ils ont également fait l’objet de discussions tout au long de la 12ème session de l’Assemblée des États Parties (AÉP) qui s’est achevée le 28 novembre dernier.
La coopération, un enjeu clé tout au long de la 12ème AÉP
Déjà, lors de l’ouverture de la 12ème AÉP, nombreux ont été les États à rappeler le rôle vital de la coopération des États Parties et des organisations internationales et régionales avec la Cour. Les discours d’ouverture de l’Assemblée donnaient ainsi le ton pour les discussions qui ont suivies. Le Secrétaire général de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), Abdou Diouf, a souligné que les États et les organisations régionales de tous les continents doivent participer à cette coopération pour que la Cour puisse réaliser pleinement son mandat. Le Sénégal, premier pays à avoir ratifié le Statut de Rome, a rappelé l’importance de la promotion du mandat de la Cour par les États Parties et par les organisations régionales telles que l’Union Européenne, l’OIF et bien sûr, l’Union Africaine.
Ensuite, les discussions ont eu lieu lors de la séance plénière sur la coopération. Tel que souligné par le représentant de la Lituanie, prenant la parole au nom de l’Union Européenne (UE), la coopération constitue le plus gros défi que la Cour devra affronter dans les prochaines années. Bon nombre d’enjeux liés à la coopération affectent directement la crédibilité et l’efficacité des actions de la Cour. C’est d’ailleurs ce qu’a déclaré le Greffier de la Cour pénale internationale, M. Herman von Hebel, lors de son discours sur la coopération. Ainsi, tout au long de la 12ème session, l’Assemblée a souligné les importants enjeux de coopération auxquels la Cour devra faire face. Les débats ont principalement porté sur la protection des témoins, le renforcement de la coopération entre les organisations régionales et la Cour, l’exécution des mandats d’arrêt qu’elle émet et également l’importance que les États lui apportent leur soutien politique et diplomatique.
En effet, c’est le nombre de mandats d’arrêt non exécutés, additionné au fait qu’aucune discussion continue n’ait eu lieu entre les États Parties sur les mesures de facilitation des arrestations et sur les obstacles auxquels la Cour est constamment confrontée en matière de coopération, qui ont poussé l’Assemblée à mener un débat exclusivement dédié à la coopération lors de cette 12ème session.
La coopération : basée sur des fondements juridiques et non politiques
Les États Parties ont une responsabilité de coopération avec la Cour sur la base de dispositions contenues dans le Statut de Rome. L’article 86, qui prévoit une obligation générale de coopérer pour les États, dispose que ceux-ci s’en acquittent pleinement « conformément aux dispositions du présent Statut […] »
Dans cette logique, le Greffier soulignait que ce sont les États Parties qui ont créé le système du Statut de Rome, rappelant ainsi à ses interlocuteurs leur responsabilité d’en assurer le bon fonctionnement. La Cour doit pouvoir compter sur l’appui des États, et ce au plus haut niveau diplomatique, notamment pour la réalisation des mandats d’arrêt, l’identification et la localisation des accusés, le gel des avoirs et la protection efficace des témoins.
Le dernier rapport du Bureau sur la coopération (Le Bureau) soulignait que la coopération internationale doit être basée sur le Statut de Rome et sur des considérations juridiques, plutôt que sur des considérations de natures diplomatiques ou politiques. Le Bureau soulevait un important enjeu en ce sens, soit le non-traitement des demandes de coopération technique. En effet, de nombreux États tardent ou ne traitent tout simplement pas les demandes de la Cour en s’appuyant sur des considérations politiques et craignant que leur collaboration avec la Cour nuise à leurs affaires intérieures, régionales ou internationales.
Retour sur les activités de 2012-2013
Au paragraphe 23 de la résolution sur la coopération adoptée par l’Assemblée des États Parties le 21 novembre 2012, le Bureau sur la coopération était invité à créer un mécanisme de facilitation en matière de coopération, visant à établir un processus de consultations avec les États Parties, la Cour et les organisations non gouvernementales, ainsi qu’avec d’autres États intéressés et les organisations concernées, afin de renforcer davantage la coopération avec la Cour.
Ainsi, lors de sa 21ème réunion tenue le 5 décembre 2012, le Bureau a nommé l’Ambassadeur Anniken Ramberg Krutnes (Norvège) en tant que facilitatrice pour la coopération. Mentionnons en ce sens que suite aux recommandations formulées dans la résolution de la 11ème AÉP, la Cour, avec l’aide de la facilitatrice pour la coopération, a mis en place un mécanisme de discussions et de consultations informelles ainsi que des séminaires entre les différents acteurs.
Nombreux ont été les États à féliciter les actions entreprises par la facilitatrice, notamment la tenue de deux séminaires de haut niveau sur le renforcement de la coopération organisés à Nuremberg en Allemagne.
La protection des témoins au cœur des discussions sur la coopération
Les discussions lors de la plénière sur la coopération ont principalement tourné autour de la protection des témoins et de leur réinstallation. Plusieurs États ont souligné l’importance du développement de mécanismes efficaces de protection des témoins. Le rôle complémentaire des systèmes nationaux de protection des témoins a ainsi été abordé en rappelant les obligations des États découlant du Statut de Rome. Il demeure essentiel que les États fournissent une bonne protection aux témoins afin que la Cour puisse poursuivre efficacement ses actions. Les États peuvent contribuer à la protection des témoins, notamment par la signature d’accords de réinstallation avec la Cour et par l’offre de leur financement.
On dénote présentement un nombre trop peu élevé d’accords volontaires, alors que ceux-ci sont essentiels au bon fonctionnement de la Cour. Ils permettent notamment d’officialiser à l’avance les mécanismes de coopération. En 2013, La Cour a conclu des accords de réinstallation avec 13 États Parties, dont trois États africains. Plusieurs États, dont la Belgique, qui constitue un modèle pour la partage d’expériences positives, ont dénoncé le fait que trop peu d’accords ont été signés jusqu’à maintenant et ont signalé le besoin urgent d’accords supplémentaires.
Peu d’avenir sans coopération
Ainsi, la Cour doit et devra, sans contredit, à l’avenir pouvoir compter sur un niveau de coopération grandissant de la part des différents acteurs. Dans la résolution sur la coopération adoptée par l’Assemblée des États Parties le 28 novembre 2013, l’Assemblée exprime ses préoccupations face à la non-exécution de 14 mandats d’arrêts ou de demandes de remise à la Cour. L’Assemblée a adopté une feuille de route en vue de la mise en place d’un outil opérationnel permettant d’améliorer les délais d’exécution des demandes d’arrestation et de remise émanant de la Cour. Cette résolution demande aussi au Bureau de rendre compte, à la treizième session de l’Assemblée, de la faisabilité de mettre en place un mécanisme de coordination à l’intention des autorités nationales chargées de la coopération avec la Cour, afin de faciliter le partage volontaire des connaissances et des compétences.
Pour terminer sur une note plus positive, lors de l’évènement parallèle concernant la coopération « Coopérer avec la CPI : Comment renforcer les institutions nationales ? » M. Mady Ba, chef de la section de la coopération internationale du Bureau du Procureur de la CPI, mentionnait que 80% des requêtes de coopération de la Cour reçoivent une réponse positive. Tout porte à croire que les discussions sur la coopération s’intensifieront lors de la prochaine session de l’AÉP qui se tiendra à New York en 2014.
Ce billet ne lie que le(s) personne(s) l’ayant écrit. Il ne peut entraîner la responsabilité de la Clinique de droit international pénal et humanitaire, de la Faculté de droit, de l’Université Laval et de leur personnel respectif, ni des personnes qui l’ont révisé et édité. Il ne s’agit pas d’avis ou de conseil juridiques.