Marie Lugaz
Marie Lugaz effectue son doctorat en droit à l'Université Laval sous la direction de la Professeure Fannie Lafontaine. Ce doctorat se déroule en cotutelle avec l'Université d'Aix-Marseille en France, dont elle est diplômée du Master 2 Droit de la reconstruction des Etats, dirigé par le Professeur Xavier Philippe. En parallèle, elle travaille en tant qu'auxiliaire de recherche au sein de la Chaire de recherche du Canada sur la justice internationale pénale et les droits fondamentaux.
Elle participe aux activités de la Clinique de droit international pénal et humanitaire depuis l'automne 2012, période pendant laquelle elle effectuait un échange uniersitaire entre l'Université de la Sorbonne et la Faculté de droit de l’Université Laval. A cette occasion, elle a assisté l’organisation Peace and Justice Initiative dans la rédaction de deux rapports sur la mise en œuvre du Statut de Rome par le Sénégal et par le Mali. De retour à Québec pour l’été 2013, elle a effectué un stage au sein de la Clinique.
Par la suite, entre le mois de mars et le mois de septembre 2014, elle a effectué un stage au sein du Parquet général près les Chambres africaines extraordinaires, à Dakar
Vous pouvez la suivre sur Twitter: @marielax.
Le Bureau du Procureur mène actuellement des enquêtes dans le cadre de huit situations : l’Ouganda, la République démocratique du Congo, le Darfour (Soudan), la République centrafricaine, le Kenya, la Libye, la Côte d’Ivoire et le Mali. Il procède par ailleurs à des examens préliminaires et analyse des crimes qui auraient été commis en Honduras, en Corée du Sud, en Afghanistan et aux Comores. Il a en outre continué à évaluer, au regard du principe de complémentarité de la Cour, si de véritables procédures nationales avaient été conduites en Géorgie, en Guinée, en Colombie et au Nigéria.
1. Situation en République démocratique du Congo
Dans le cadre de la situation en République démocratique du Congo, Bosco Ntaganda, ancien chef adjoint de l’état-major général des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC), s’est rendu volontairement à la Cour le 22 mars 2013. Il est actuellement détenu par la Cour à La Haye. Son audience de première comparution a eu lieu le 26 mars 2013 devant la Chambre préliminaire II. Son audience de confirmation des charges est prévue pour s’ouvrir le 10 février 2014.
2. Situation au Darfour
Dans le cadre de la situation au Darfour (Soudan), la Chambre préliminaire I est actuellement saisie de cinq affaires. Dans le cadre de l’affaire Abdallah Banda Abakaer Nourain et Saleh Mohammed Jerbo, deux citations à comparaître ont été délivrées à l’encontre des deux suspects, commandants rebelles soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre de meurtre et de pillage. La Cour n’a pas délivré de mandat d’arrêt à leur encontre, estimant qu’une citation à comparaître suffirait pour que les intéressés se présentent devant elle[1]. Ces derniers ont en effet comparu volontairement devant la Chambre préliminaire I le 17 juin 2010. L’audience de confirmation des charges s’est tenue le 8 décembre 2010. La Chambre préliminaire I a confirmé à l’unanimité les charges de crimes de guerre contre les suspects le 7 mars 2011. Le 16 mars 2011, le Président de la Cour a créé la Chambre de première instance IV devant laquelle les accusés subiront leur procès. Cette procédure ne concernera plus désormais qu’Abdallah Banda, les preuves du décès de Saleh Jerbo le 19 avril 2013 ayant conduit la Chambre de première instance IV à mettre fin aux poursuites le concernant le 4 octobre 2013. Le procès contre Abdallah Banda débutera le 5 mai 2014.
3. Situation au Kenya
La situation au Kenya se distingue par le fait que le Procureur a ouvert l’enquête d’office, après autorisation de la Chambre préliminaire II le 31 mars 2010. Suite à l’émission de citations à comparaître en 2011, six citoyens kenyans ont comparu volontairement devant cette Chambre. Dans le cadre de l’affaire Francis Kirimi Muthaura et Uhuru Muigai Kenyatta, les charges contre le premier suspect, alors Directeur de la fonction publique et Secrétaire général du Gouvernement kenyan à l’époque des faits, ont été retirées le 18 mars 2013 après la rétractation du principal témoin de l’Accusation. Le procès d’Uhuru Muigai Kenyatta, l’actuel Président du Kenya, devrait s’ouvrir le 5 février 2014.
Quant au procès dans l’affaire William Samoei Ruto et Joshua Arap Sang, il s’est ouvert le 10 septembre 2013. La Chambre a autorisé l’accusé Ruto, vice-Président du Kenya, à être absent lors de l’audience du 21 novembre 2013. Le Président Kenyatta devant se rendre ce même jour à l’étranger, Ruto a en effet demandé l’autorisation de rentrer au Kenya pour cette période.
Dans un tout autre registre, mais en lien avec la situation au Kenya, la Chambre préliminaire II a délivré le 2 août 2013 un mandat sous scellés à l’encontre de Walter Osapiri Barasa, suspecté d’avoir porté atteinte à l’administration de la justice en subordonnant ou en tentant de subordonner des témoins de la Cour. Le mandat a été rendu public le 2 octobre 2013.
4. Situation en Libye
En Libye, un mandat d’arrêt a été délivré à l’encontre de Saïf Al-Islam Kadhafi, porte-parole du Gouvernement libyen et fils de Mouammar Kadhafi). Les autorités libyennes ont soulevé une exception d’irrecevabilité et ont refusé de remette le suspect à la Cour. Le 31 mai 2013, la Chambre préliminaire I a rejeté cette exception d’irrecevabilité et a rappelé à la Libye son obligation concernant la remise de Kadhafi à la Cour, décision qui fait aujourd’hui l’objet d’un appel.
Au sujet d’un autre suspect et dans le respect du principe de complémentarité, la Chambre préliminaire I a conclu le 11 octobre 2013 à l’irrecevabilité devant la Cour de l’affaire concernant Abdullah Al-Senussi, ex-chef du renseignement militaire dans le régime de Kadhafi. Cette affaire faisait l’objet d’une enquête par les autorités libyennes compétentes. La Chambre a considéré, en vertu de l’article 17 du Statut de Rome, que le pays avait la volonté et était capable de réaliser effectivement cette enquête.
5. Situation en Côte d’Ivoire
La situation en Côte d’Ivoire, comme celle au Kenya, a fait l’objet d’une saisine proprio motu du Procureur. La différence réside dans le fait que la Côte d’Ivoire n’était pas partie au Statut de Rome à l’époque. Le 18 avril 2003, cet État a déclaré accepter la compétence de la Cour. L’année 2013 témoigne d’une belle avancée pour la Cour, la Côté d’Ivoire ayant ratifié le Statut de Rome le 15 février.
Dans le cadre de l’affaire Laurent Gbagbo, l’audience de confirmation des charges a eu lieu du 19 au 28 février 2013. Le 3 juin 2013, la Chambre préliminaire I a demandé au Procureur d’envisager d’apporter de nouveaux éléments de preuve ou de procéder à de nouvelles enquêtes concernant les charges portées à l’encontre de l’ancien chef d’État ivoirien. Des critiques véhémentes contre la Procureure se sont multipliées à la suite de cette décision. Pour de nombreuses ONGs « Gbagbo n’est pas le seul suspect ».
6. Situation au Mali
L’année 2013 a vu l’ouverture d’une enquête par le Bureau du Procureur concernant une nouvelle situation : le Mali. L’enquête a été ouverte le 16 janvier 2013, après renvoi à la Cour de cette situation par le Mali.
Néanmoins, à ce jour, aucun suspect n’a encore été identifié. Comme si la justification se trouvait dans le défaut de coopération, le Bureau du Procureur a conclu le 13 février 2013 un Accord de coopération judiciaire avec le Mali. Cet accord est destiné à mettre en œuvre les obligations de coopération et d’assistance judiciaire du Mali prévues par le Statut de Rome. Le droit malien n’a cependant pas encore été modifié pour intégrer les dispositions de cet accord pour que le Mali soit en conformité avec ses obligations en vertu des dispositions du Statut de Rome relatives à la coopération.
Centralisme africain, lenteur des procès, manque de transparence… Les critiques faites à l’encontre du travail du Bureau du Procureur et des Chambres demeurent nombreuses et ne cessent d’alimenter l’actualité. Les enjeux sont multiples à l’aube de la 12ème Assemblée des États Parties de la Cour pénale internationale, et il apparaît indispensable que la Cour revoie les méthodes de travail et les moyens accordés à ses organes judiciaires.
[1] CPI, Citation à comparaître adressée à Abdallah Banda Abakaer Nourain par la Chambre préliminaire I dans l’affaire Le Procureur c. Abdallah Banda Abakaer Nourain et Saleh Mohammed Jerbo du 27 août 2009 au par. 20 ; CPI, Citation à comparaître adressée à Saleh Mohammed Jerbo Jamus par la Chambre préliminaire I dans l’affaire Le Procureur c. Abdallah Banda Abakaer Nourain et Saleh Mohammed Jerbo du 27 août 2009 au par. 20.